Me voilà de retour à Dijon, après tant d’années d’infidélité à la ville de ma jeunesse… Qu’es-tu devenue, pendant ce temps ? Me proposes-tu un « retour vers le futur » ou « vers le passé » ? Il se dit sur les réseaux sociaux et dans la presse que tu as beaucoup changé. C’est ce qu’on va voir.
Descente du TGV. Sur l’esplanade, j’avise un tram. Sa couleur rose pétant me fait l’effet d’un énorme chewing-gum mais mon voisin de gauche, un monsieur comme il faut, me précise avec une certaine fierté que c’est la couleur « cassis ». Celui de la crème. De cassis. Au temps pour moi. Il me tarde de redécouvrir le centre-ville. Je monte à bord. Ça démarre. C’est autre chose que le bus d’antan. Le long du trajet, je remarque les pistes cyclables et tout un tas de gens, plus ou moins pressés, à vélo. Comme dans d’autres grandes villes françaises, Dijon s’y est mise, et c’est tant mieux. Place Darcy, le ciné est toujours là mais l’espace a été redessiné. On a chassé les voitures. Mes yeux se posent un instant sur La Cloche. L’institution dijonnaise est toujours là face au jardin Darcy, fidèles à mes souvenirs. Je descends à la station Godrans pour continuer à pied. Les voitures ont déserté la rue ici aussi. La piétonisation, ça vous change la vi(ll)e. À gauche, mon regard est happé par la vue sur une magnifique demeure historique aux tuiles vernissées. Dans le jardin que d’élégantes grilles permettent d’apercevoir trône une oeuvre d’art contemporain, Here. Ici, il y a 20 ans, dominait un mur aveugle. Je verrais bien une énorme fête dans ce jardin. Mais si mes souvenirs sont bons, le proprio de l’hôtel particulier de la Thoison, c’est la Banque de France. On oublie.
C’est vendredi, jour de marché. L’effervescence sous les halles aux poutres turquoise est palpable. Le charcutier me découpe une belle tranche de persillé. Tout ce que j’aime. Je retrouve un copain dijonnais à la buvette des halles. Il me raconte que le site, classé monument historique, a été complètement rénové il y a quatre ans. Si je reviens au printemps, je testerai le brunch… L’aligoté est excellent, mais il est temps de bouger jusqu’à la Cour Bareuzai, nouveau visage du Dijon commerçant, m’a-t-on glissé. Un hôtel particulier du XVe siècle métamorphosé, c’est du plus bel effet.
Trêve de shopping, les toiles de maître m’attendent. Le musée des Beaux-Arts s’est débarrassé de son orgueil un peu poussiéreux. Cour de Bar, le sol est en béton et le toit doré. Spectaculaire, ce musée. Une traversée de plus de vingt siècles d’art, entre les sarcophages égyptiens et les portraits géants de Yan Pei-Ming. Impossible de tout voir en une fois, je repars avec le sentiment que la vie culturelle dijonnaise a visiblement changé de braquet.
Place de la Libération, le parking a cédé la place aux terrasses de cafés. Ça manque un peu de verdure. Je me rends jusqu’à la place de la Rép’. Les lignes de tram chargent et déchargent les passagers. Le tramway a bouleversé la physionomie de la ville. À travers les baies vitrées de T1, le quartier Clemenceau incarne le visage moderne de la ville. Une city à la sauce dijonnaise. Quelques stations plus loin, le tram s’arrête devant un grand hôpital totalement méconnaissable. Au terme de ma redécouverte, j’arrive à la piscine olympique : un bassin de 50 mètres capable d’accueillir des compétitions internationales à Dijon, j’en rêvais étant jeune. On me glisse que Carrousel a, depuis, bien changé aussi, prenant des accents nordiques qui autorisent à se baigner en plein air toute l’année, même pendant l’hiver brumeux – bon, ça, ça n’a pas changé.
J’avais quitté une ville de province confite dans son confort, un peu ennuyeuse et gentiment ronronnante. La version 2020, capitale de région ouverte sur le monde et cultivée, qui assume son urbanité ? Je préfère, sans hésiter