Il a fait partie des otages de la grotte d’Ouvéa avant de devenir négociateur au sein du GIGN. Rencontre avec Bernard Meunier, un Dijonnais, ancien gendarme d’élite, dont la vie, c’est le moins qu’on puisse dire,n’a jamais manqué d’intensité.
Une grande douceur se dégage de son regard et de sa voix. Et pourtant. Sa vie, Bernard Meunier l’a passée à négocier avec les plus durs. Les terroristes, les truands, les preneurs d’otages… Son premier contact avec le métier fut pour le moins violent. À 26 ans, toute jeune recrue du GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), il débarque en Nouvelle-Calédonie en pleine crise indépendantiste. Sur l’île paradisiaque d’Ouvéa, en 1988, des activistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) ont pris d’assaut la gendarmerie, tuant cinq militaires, et retiennent en otage 27 gendarmes dans une grotte isolée. Bernard Meunier fait partie des équipes envoyées sur place pour dénouer la crise. Avec cinq membres du GIGN, il accepte de se laisser enfermer dans la grotte également, pour mettre en oeuvre avec succès la stratégie du cheval de Troie. « Huit jours de calvaire. Nous sommes affamés, menacés de mort à chaque instant. Le plus étrange dans l’histoire, c’est que je m’étais engagé pour libérer des otages, et que je commence par me retrouver en situation d’otage ! » Tous les prisonniers sont finalement libérés sains et saufs. Bernard Meunier en garde, 30 ans après, un souvenir cuisant. Mais cette expérience lui a finalement permis de trouver sa voie : il sera négociateur.
Parfaite maîtrise de soi
24 décembre 1994. Un groupe islamiste détourne un avion d’Air France assurant la liaison Alger-Paris. L’appareil est contraint de se poser à Marseille pour faire le plein de kérozène. C’est là que Bernard Meunier entre en scène. Pendant deux jours, il tente de négocier avec les preneurs d’otages. La vie de 229 passagers est entre ses mains. L’histoire se terminera par un assaut du GIGN au cours duquel les quatre terroristes seront abattus. « Négociateur, c’était un nouveau métier pour les forces de sécurité françaises, se rappelle Bernard Meunier. J’ai été formé en Belgique au début des années 1990. » L’officier étudie la psychologie, apprend les méthodes de gestion de crise, travaille sur la maîtrise de ses émotions, et enchaîne les missions, dans toute la France.
Que faire, après une vie si intense ? En 2001, Bernard Meunier quitte le GIGN. Il revient à Dijon, la ville où ce natif de la Bresse a passé toute sa jeunesse. Du côté de la place de la République, il tient un bar pendant deux ans. Mais ce n’est visiblement pas son truc. Deux ans plus tard, retour à ses premières amours : il intègre une entreprise de sécurité à Paris, avant de créer la sienne, avec un de ses anciens collègues. Il complète son bagage avant de se lancer : une licence en ressources humaines au Centre national des arts et métiers, un master en communication à l’université de Bourgogne et un passage par l’Institut des études hautes de la Défense nationale (IHEDN). Seul aux manettes depuis 2010 d’AGS Assistance, Bernard Meunier propose à de grands groupes des prestations d’analyse du risque mais aussi d’accompagnement des collaborateurs confrontés à des situations de danger ou de traumatisme, en s’appuyant sur un réseau de 400 psychologues. « Quand tu bosses au GIGN, tu n’es jamais seul. Aucune décision n’est jamais prise par une seule personne. Aujourd’hui, à la tête de ma boîte, je suis seul. » Un autre défi mais il en faudrait bien plus pour le faire reculer.
Un livre en avril
Il avait déjà publié un livre en 2004 : Négociation de crise,de la prise d’otages à la scène de ménage. Bernard Meunier récidive. Il a étudié de près 12 tueries de masse qui se sont produites ces dernières années en milieu scolaire, aux États-Unis mais aussi en Europe – y compris celle de Grasse en 2017. Il en a tiré, avec Alexandre Rodde, consultant au Centre d’études de la sécurité et de la défense (Cesed), un livre à paraître ce printemps : Passage à l’acte (Kiwi Éditions).