Feuilleton 2/7
Il est le seul double étoilé de notre capitale régionale. Une fierté pour Dijon. Il est aussi un chef discret. Mais pour Monsieur en Bourgogne, il force un peu sa nature et livre un entretien à son image… sans filtre.
La deuxième étape de notre road trip se devait de passer par Dijon. Surtout à quelques mois de l’ouverture de la si attendue Cité internationale de la gastronomie et du vin. Michel Varziniac, directeur du DS Store Beaune, est un habitué du Chapeau Rouge, le restaurant de William Frachot. « Assurément une de mes tables favorites. » Mais étonnamment, il n’avait jamais échangé avec celui qui veille à la bonne destinée des cuisines. Nous avons donc provoqué la rencontre avec celui qui porte, à bien des égards, la gastronomie de la ville.
Monsieur en Bourgogne. Vous êtes le seul double étoilé de Dijon. Beaucoup considèrent que cela vous positionne de manière naturelle comme l’ambassadeur gastronomique de la ville. Et pourtant, vous êtes plutôt discret…
William Frachot. Chacun sa nature. Un chef, d’autant plus quand il est chef d’entreprise, se doit d’être en cuisine. J’ai eu la chance de pouvoir, dans mes jeunes années, voyager, réaliser de nombreuses missions de consulting. C’est flatteur et formateur, mais comme on a juste l’ambition avec mes équipes de faire de la gastronomie, on doit rester concentrés sur l’objectif. Et donc bosser sur ce qui est dans l’assiette et faire attention à ne pas trop se disperser.
Et pourtant, on compte sur les plus grands chefs de la ville pour porter la Cité de la gastronomie et du vin qui va être inaugurée au printemps prochain…
Je vous mets tout de suite à l’aise. Je l’attends avec impatience comme tout ce qui peut permettre de braquer les projecteurs sur notre ville. Cela va mécaniquement fédérer une nouvelle et belle clientèle. Je suis enthousiasmé : c’est tellement une belle idée. Cela dit, on peut aussi constater qu’on n’a pas forcément pensé à consulter les chefs dijonnais sur leur approche de la gastronomie… Mais on va encore dire que Frachot n’est jamais content. Alors, ce n’est pas bien grave, hein (rire). La Cité de la gastronomie est à Dijon et c’est bien cela l’essentiel.
Quelle est votre vision des Bocuse d’Or ?
Cela m’a été longuement étranger. Je ne comprenais pas l’intérêt, car je ne voyais pas l’aspect gourmandise dans les différents concours. Il m’a fallu quelques années pour comprendre que cela pouvait faire avancer notre métier. C’est un peu la formule 1 de la gastronomie. Au premier abord, cela ne semble pas servir au quotidien mais, finalement, il y a systématiquement quelque chose de fort qui en ressort, voire qui émeut, notamment aux Bocuse d’Or où l’on touche une forme d’excellence. Cela amène une réflexion sur un travail et est une belle source d’inspiration. J’ai passé notamment des soirées avec Romuald Fassenet, qui m’a fait mieux comprendre pourquoi les Bocuse d’Or ont une réelle utilité pour la promotion de nos métiers à travers le monde. C’est une vraie compétition mondiale qui oblige à se transcender et à ne pas rester sur ses acquis. La victoire de Davy Tissot et de sa Team France fait vraiment plaisir. Entre nous, je préfère voir un jeune trouver sa vocation grâce aux Bocuse d’Or, qui est en réelle connexion avec la vraie vie d’une cuisine, que les paillettes de la télé-réalité.
La période du Covid vous a-t-elle amené à faire évoluer votre approche ?
Nous avons voulu nous concentrer sur l’essentiel. Nous nous sommes enlevé beaucoup de contraintes, avec l’envie de raconter dans l’assiette l’histoire de notre région. Les seuls produits qui ne soient pas en circuit court le sont uniquement parce qu’ils ont un intérêt gastronomique. On a assumé se réaccaparer les produits bourguignons, des marqueurs locaux, même ceux qui pouvaient paraître vieillissants. On souhaite proposer une Bourgogne 2.0 en ce qui concerne les goûts, les saveurs et l’équilibre. Il faut dire qu’il n’y a jamais eu autant de producteurs autour de Dijon, ce qui est très stimulant et nous redonne la possibilité de transmettre dans l’assiette la réelle identité de la région, ce qui n’était pas possible il y a 15 ans. Tous les mardis, nous nous retrouvons avec les collaborateurs de la cuisine, mais aussi de la salle, chez nos différents producteurs, pour choisir, trier et mieux comprendre les produits qui seront cuisinés. Cela nous reconnecte à leurs vertus et à ce qu’ils racontent. C’est pour cela que nous proposons, sur notre carte, non plus des menus, mais ce que nous avons appelé des histoires.
5, rue Michelet à Dijon
03 80 50 88 88 – chapeau-rouge.fr
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